Equipe « Manuscrits de Stendhal »
Responsable : Cécile Meynard
Equipe Traverses 19-21 (Composante CESR, Directrice Marie-Rose Corredor)
Projet de réédition des Journaux et papiers de Stendhal
Enjeux scientifiques d’une réédition
L’acquisition de six cahiers manuscrits appartenant au corpus du « Journal » de Stendhal par la Ville de Grenoble lors de la récente vente Bérès (mardi 20 juin 2006) est venue compléter l’exceptionnel fonds de manuscrits déjà présent à la Bibliothèque d’études Lyautey. A l’exception de quelques documents détenus par des collectionneurs privés, on peut donc estimer qu’aujourd’hui on dispose de l’ensemble des papiers de Stendhal constituant ce que l’on a appelé le « Journal ».
Jusqu’à présent, ces six cahiers avaient été publiés par Henry Debraye et Louis Royer chez Champion en 1923-1924, et depuis n’ont plus jamais été mis à disposition des chercheurs : ainsi toutes les éditions suivantes se sont appuyées sur cette édition, sans possibilité de consultation des manuscrits. On imagine aisément l’intérêt d’une nouvelle édition qui tiendrait compte d’une relecture précise et rigoureuse de ces précieux documents.
Par ailleurs il est indispensable aujourd’hui d’intégrer cette édition dans un programme de réédition de l’ensemble du Journal – ou plutôt des journaux ? – de Stendhal. Et pour ce faire, une redéfinition du corpus est nécessaire. En effet ce fonds pour le moins hétérogène pose de nombreux problèmes, dont voici quelques exemples parmi les plus frappants :
– Il est nécessaire de remettre en question les choix effectués jusqu’à ce jour par les différents éditeurs, et en particulier la décision de Victor Del Litto pour le collections du Bibliophile et de la Pléiade de séparer « Journal littéraire » et « Journal » dans la mesure où Stendhal ne distingue pas toujours de façon précise les deux niveaux d’écriture : s’il est évident qu’on a du mal à considérer de simples notes de lecture comme faisant partie d’un journal à proprement parler, la question devient plus épineuse dès que Stendhal leur ajoute des considérations personnelles, même minimes. Inversement on trouve dans le « journal » tel qu’il est défini en Pléiade des considérations artistiques et comptes rendus de pièces de théâtre, etc. qui pourraient presque aussi bien figurer dans le « Journal littéraire ».
– L’édition actuelle introduit ainsi une fausse cohérence et une fausse continuité par un tri sélectif arbitraire dans cette masse de matériaux hétéroclites. On peut ainsi parfois constater la division d’un même ensemble textuel, qui est du seul fait de l’éditeur, à l’instar de certaines marginales de la Vie de Henry Brulard : la même note peut être coupée en deux, une partie jugée « intime » allant rejoindre le corpus du « Journal », l’autre partie figurant dans un objet construit par Victor Del Litto : le « Journal littéraire », qualification de commodité éditoriale qui n’est en réalité identifiée ni par les manuscrits ni par l’auteur… Le Journal étant conçu comme journal d’observation avant tout (le moi n’est alors au fond qu’un objet d’analyse parmi d’autres), il est difficile de séparer objectivement les réflexions théoriques et esthétiques des considérations sur la vie personnelle de Stendhal.
– A partir de 1813, la discontinuité devient presque systématique, sauf avec les journaux de voyage ; et après 1818, il n’existe objectivement plus de Journal, mais des notes marginales écrites sur des supports divers et sans lien entre elles. La notion de « Journal reconstitué » désignant cet ensemble postérieur à 1813 et forgée par Victor Del Litto est encore une fois significative de ce désir d’instaurer une continuité diariste que rien ne confirme dans les textes stendhaliens eux-mêmes.
– Par ailleurs se pose clairement la question du statut des notes diverses et marginales : faut-il les intégrer sans état d’âme à un « journal » de Stendhal, sachant que par leur nature même elles contreviennent au principe d’homogénéité du support et de continuité chronologique de l’écriture… ? Et quand il existe des marginales en parallèle d’un « journal » tenu de façon continue par Stendhal, faut-il les insérer dans les pages de ce journal, pour respecter à tout prix la chronologie d’écriture, alors qu’elles introduisent objectivement une hétérogénéité dans un propos cohérent ?…
– D’autre part, certains papiers actuellement intégrés au journal (notes de frais, pense-bêtes…) semblent assez peu mériter cette qualification. Inversement, d’autres papiers actuellement édités sous d’autres intitulés que le Journal mériteraient peut-être d’y figurer.
– La question de la définition par Stendhal lui-même de ses écrits mérite aussi d’être prise en compte : chaque fois qu’il fait un séjour ou un voyage quelque part, il indique comme titre « Journal de mon séjour à… », « Journal de mon voyage à … ». C’est bien la preuve que lui-même considère qu’il écrit des Journaux, et non un seul journal conçu comme un tout homogène. Et par ailleurs, l’idée même de journal est souvent associée à celle d’un déplacement dans l’espace.
– Autres problèmes qui se posent : un passage de journal de voyage peut devenir embryon de récit de voyage, un extrait de journal servir de matériau littéraire pour des textes théoriques comme l’Histoire de la peinture en Italie… Et certaines pages sont écrites à plusieurs mains (avec Crozet, Faure…), ce qui remet en cause la notion de « journal intime ».
Bref, il s’agit d’un projet scientifique d’envergure, et cette nouvelle édition doit impérativement commencer par une redéfinition honnête, rigoureuse et sans parti pris du corpus. Ce projet de longue haleine ne pourra se réaliser qu’après identification et résolution de tous ces problèmes (ou du moins choix éditoriaux conscients de leur arbitraire mais argumentés) par l’Equipe « Manuscrits », en utilisant les moyens modernes et les possibilités offertes par les nouvelles technologies. Il s’agit de fournir une édition savante de référence – et qui de ce fait soit largement diffusée – de cette partie problématique de l’œuvre de Stendhal. Les ELLUG ont été contactées, et ont donné un accord de principe pour fournir cette édition, qui sera accompagnée d’un appareil critique conséquent.
Une édition électronique de ces Journaux est enfin envisagée, pour permettre un reclassement virtuel des registres de manuscrits, l’accès aux pages numérisées et à leur transcription ainsi qu’à diverses informations sur les pages, les scripteurs, la taille des feuillets… L’intérêt serait aussi de pouvoir confronter les pages, et a fortiori les marginales de Stendhal, à leur intertexte (presse, ouvrages scientifiques, essais, romans de l’époque, parfois aujourd’hui peu connus ou difficilement accessibles…) A cet égard des liens ont été mis en place avec l’ITEM et l’ICM (Institut de la Communication et des Médias) pour la réflexion théorique et avec le laboratoire LIDILEM (Linguistique et Didactique des Langues Etrangères et Maternelles) et le DIP (Département d’informatique pédagogique) pour la réalisation pratique. Un prototype de base de données sera mis en ligne au printemps sur le site de la MSH-Alpes.
Séminaire de travail de l’Equipe « Manuscrits de Stendhal »
Un séminaire, organisé avec le soutien du Cluster 13 (Région rhône-Alpes) et de l’ITEM (Institut des Textes et Manuscrits Modernes, Paris) a été mis en place pour organiser ce travail d’édition.
1) Principe du séminaire :
C’est un séminaire de travail collectif en vue de la réédition des Journaux et papiers de Stendhal et de l’alimentation de la base de données « Manuscrits » (mise en ligne prévue au printemps 2007). Il est ouvert à toute personne intéressée par une réflexion sur l’édition de manuscrits.
2) Planning des séances de travail
– le 9 février : salle C008, rez-de chaussée du bâtiment C, Université Grenoble 3-Stendhal. (définition du corpus, ateliers de travail sur des échantillons)
– le 9 mars :
-salle C008, rez-de chaussée du bâtiment C, Université Grenoble 3-Stendhal (1h)
-puis salle I 108 (à confirmer) pour la formation xml (2h)
– le 27 avril : salle de réunion, 2ème étage, Maison des Sciences de l’homme-Alpes
– le 1er juin : à Paris (salle à définir avec l’ITEM)
L’ordre du jour des séances du 27 avril et du 1er juin sera précisé ultérieurement.
Contact :
Cécile Meynard
Maître de Conférences, Université Grenoble 3-Stendhal
cecil.meynard@laposte.net